Christchurch prépare les sépultures des victimes de l'attentat

8:46 - March 18, 2019
Code de l'info: 3469038
Des dizaines de tombes étaient en cours de préparation lundi dans un cimetière de Christchurch pour accueillir les dépouilles des victimes du carnage commis dans deux de ses mosquées, alors que l'impatience monte chez les familles qui réclament les corps.
La coutume musulmane prévoit en effet l'inhumation du corps dans les 24 heures suivant le décès. Les médecins légistes ont dit espérer être en mesure de satisfaire les familles rapidement, tout en soulignant qu'ils devaient procéder avec précaution dans leur enquête sur le carnage.
 
Alors que la Nouvelle-Zélande essaye encore de comprendre comment le pire massacre de musulmans dans un pays occidental de l'histoire récente a pu se produire dans cet archipel réputé si paisible, des exemples d'actes d'héroïsme ou de pardon ont fait surface.
 
Farid Ahmad, qui a perdu son épouse Husna, 44 ans, tuée alors qu'elle aidait à sauver des fidèles, se refuse ainsi à sombrer dans la haine à l'égard de l'auteur du carnage, Brenton Tarrant, un "fasciste" autoproclamé qui a expliqué ce massacre et les deux années de sa préparation dans un long "manifeste" islamophobe de 74 pages.
 
Husna fait partie des quatre femmes figurant parmi les victimes âgées de 3 à 77 ans, selon une liste encore incomplète. Plusieurs victimes étaient natives de la région mais plusieurs autres étaient des immigrés originaires de pays éloignés comme l'Egypte ou la Jordanie.
 
A la question de savoir s'il pardonnait au tueur, Farid Ahmad a répondu: "Bien sûr. La meilleure chose, c'est le pardon, la générosité, l'amour et l'affection".
 
- Tarrant veut se défendre seul -
Des ouvriers préparent des tombes pour les victimes de l'attentat, au cimetière de Christchurch le 18 mars 2019/AFP
 
Des ouvriers préparent des tombes pour les victimes de l'attentat, au cimetière de Christchurch le 18 mars 2019/AFP
 
Cette tragédie a provoqué une onde de choc en Nouvelle-Zélande, pays de cinq millions d'habitants dont 1% se disent musulmans, réputé pour sa tradition d'accueil.
 
Mme Ardern doit réunir lundi son cabinet pour discuter d'un éventuel durcissement des législations sur les armes.
 
Le gouvernement doit également prendre connaissance des conclusions des services de renseignement sur la façon dont un Australien ne cachant pas ses sympathies fascistes a pu se procurer un tel arsenal d'armes sans attirer l'attention des autorités.
 
De son côté, Brenton Tarrant, qui avait fait samedi lors de son inculpation le signe de reconnaissance des suprémacistes blancs, a fait part, par l'intermédiaire de son avocat commis d'office, de son intention d'assurer seul sa défense face à la Justice.
 
Ardern a révélé dimanche que ses services avaient été destinataires du "manifeste" du tueur, neuf minutes avant le début du carnage.
 
"Il n'incluait aucun lieu ni aucun détail spécifique", a-t-elle ajouté, en précisant que ce document avait été transmis aux services de sécurité moins de deux minutes après sa réception.
 
- Perquisitions en Australie -
 
Les hommages émouvants à la mémoire des victimes se sont multipliés à Christchurch, en Nouvelle-Zélande et dans le monde entier.
 
"Nous nous tenons aux côtés de nos frères et sœurs musulmans", peut-on lire sur une grande banderole près d'un des sites de la ville où s'empilent des fleurs dans un mémorial improvisé.
 
Un haka, une danse traditionnelle maorie, a été exécutée dimanche avec beaucoup d'émotion par un gang de motocyclistes néo-zélandais.
 
Bien que les autorités aient exhorté les habitants à reprendre le cours de leur vie, l'archipel demeure en état d'alerte.
 
La police a fermé dimanche soir pendant quelques jeures l'aéroport de Dunedin, la ville à 300 km au sud-ouest de Christchurch où vivait Tarrant. Mais il s'est avéré que le colis suspect qui y avait été découvert ne présentait aucune dangerosité.
 
Des Néo-Zélandais rendent hommage aux victimes d'une attaque près d'une mosquée de Christchurch le 17 mars 2019/AFP
Des Néo-Zélandais rendent hommage aux victimes d'une attaque près d'une mosquée de Christchurch le 17 mars 2019/AFP
 
En Australie, la police a perquisitionné lundi deux logements proches de Grafton, la localité de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud (sud-ouest) où le tireur a grandi.
 
"L'objectif premier est d'obtenir formellement des éléments pouvant aider la police néo-zélandaise dans son enquête", a expliqué la police australienne dans un communiqué.
 
- Tractopelles à l'oeuvre -
 
En Nouvelle-Zélande, les familles de victimes ne cachent plus leur frustration quant à l'attente des dépouilles, au point que les autorités aient dû se justifier sur la procédure.
 
"On fait un scan de tous les défunts, leurs empreintes sont relevées, on retire les objets qu'ils portaient ou avaient sur eux", a expliqué la "chief coroner" Deborah Marshall, qui dirige l'enquête, en précisant qu'il fallait également réaliser des empreintes dentaires et des autopsies.
 
Mme Ardern a cependant annoncé dimanche que tous les corps auraient été restitués mercredi. Un journaliste de l'AFP a vu des ouvriers et des tractopelles à l'oeuvre lundi matin dans le cimetière de Christchurch, sans que l'on sache encore exactement quand auront lieu les premières funérailles.
Abdul Aziz, Australien d'origine afghane, est célébré comme un héros pour avoir mis en fuite le tueur de Christchurch, le 17 mars 2019/AFP
Abdul Aziz, Australien d'origine afghane, est célébré comme un héros pour avoir mis en fuite le tueur de Christchurch, le 17 mars 2019/AFP
 
Les autorités ont également indiqué que 34 blessés demeuraient hospitalisés. Parmi eux, la petite Alin Alsati, quatre ans, entre la vie et la mort, après avoir été touchée par au moins trois balles alors qu'elle se trouvait avec son père dans la mosquée al-Nour. Son père, Jordanien également blessé, avait récemment immigré en Nouvelle-Zélande.
 
Le nombre de morts aurait pu être encore plus élevé s'il n'y avait pas eu des actes d'héroïsme comme celui d'Abdul Aziz, un Australien d'origine afghane qui était avec ses quatre enfants dans la mosquée de Linwood quand il s'est précipité vers le tireur.
 
- Réseaux sociaux sur la sellette -
 
Après avoir entendu un de ses fils lui crier de se mettre à l'abri dans la mosquée, Abdul s'est emparé d'un fusil vide laissé par le tueur en lui criant plusieurs fois "Viens par ici!" dans le but de l'éloigner de la mosquée.
 
"Je voulais juste sauver autant de vies que possible, quitte à perdre la mienne", a-t-il dit à l'AFP. Abdul Aziz a continué à poursuivre le tireur qui s'enfuyait en voiture avant d'être interpellé.
 
Les réseaux sociaux sont également montrés du doigt en raison de la diffusion en direct, vendredi sur Facebook, pendant de longues minutes, du carnage filmé par son auteur.
 
Le groupe américain est parvenu à supprimer la vidéo de 17 minutes. Mais elle avait auparavant été partagée de nombreuses fois sur YouTube et Twitter.
 
Dans un communiqué, Mia Garlick, une responsable de Facebook en Nouvelle-Zélande, a indiqué que son groupe avait retiré 1,5 million de vidéos de l'attaque au cours des 24 premières heures, "dont plus de 1,2 million bloquées lors de leur téléchargement".
 
En attendant, un jeune de 18 ans a été inculpé lundi matin à Christchurch pour avoir relayé la vidéo mais aussi pour avoir mis en ligne une photographie de la mosquée al-Nour avec la mention "cible atteinte", et pour incitation à la violence.
 
afp
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